Une même dépénalisation pour une évolution et des textes différents. Si la Belgique et le Luxembourg ont passé le cap de la légalisation, ce n’est pas pour autant que les deux pays suivent le même chemin hier comme aujourd’hui.
La Belgique a par exemple étendu l’application de sa loi en février 2014 aux mineurs avec des conditions strictes. Une ouverture que certains belges ne comprennent pas et ont du mal à accepter. Certains critiquent les dérives qui peuvent en découler. Il prennent comme exemple l’affaire Mortier dans laquelle Madame Godelieve De Troyer, atteinte de dépression chronique, fut euthanasiée en 2012 après avoir payé une association pour la pratiquer. Non informés, les enfants ont remis en cause la légitimité de cette euthanasie. Ils critiquent aussi le manque d’indépendance de la Commission fédérale de contrôle et d’évaluation de l’euthanasie, en charge de vérifier la légalité des actes euthanasiques et de suicide assisté.
Ce phénomène, d'extension de la loi belge, n’est pas du tout celui observé au Luxembourg. Alors que la Belgique élargit le droit, le Luxembourg en durcit la mise en oeuvre.
S’agissant du Luxembourg et de la France, Jean Jacques Schonckert considère que “les deux lois sont mal faites”. Non respect des hôpitaux pour raison religieuse, “euthanasies cachées” et “manques d’informations” sont selon lui les principaux problèmes.
En France, aucun texte ne condamne explicitement la pratique de l’euthanasie. Cet acte est donc pénalement réprimé en tant que homicide volontaire et passible de 30 ans de réclusion criminelle, la peine la plus lourde existant sur le territoire national. En Belgique et au Luxembourg, la légalisation de l’assistance à mourir s’est accompagnée de la dépénalisation de ce geste. Son auteur, le soignant généralement, n’est donc pas passible de poursuites pénales, sous réserve que ce geste ait été pratiqué en respectant la procédure légale.
Le sens donné est donc différent. Dans les pays qui ont légalisé ces pratiques, le patient est considéré comme étant décédé de mort naturelle. L’assistance du tiers n’étant pas un crime car elle découle du consentement du malade et vise à lui apporter la réponse adaptée à sa volonté.
“Un Etat de Droit, c’est quand les questions majeures sont réglées par le droit”, rappelle André Moine, maître de conférence en droit public à l’Université de Lorraine. “Le corps médical a apprécié qu’on le délivre de ces choix en les encadrant juridiquement”.
Comme il le rappelle ensuite, “les arrêts de soins ont toujours existé mais ils étaient pratiqués en dehors de tout cadre juridique”. Car, à l’instar de la Belgique et du Luxembourg, clandestinité rime ici avec homicide volontaire.
En Belgique, le cadre strict qu’avait souhaité adopter le législateur en 2002 apparaît inopportun. Constance du Bus, juriste a l’Institut Européen de Bioéthique explique que “ce que l'on constate, c’est que le nombre d euthanasie clandestine n’a pas diminué et même au contraire”. Cela s’explique selon elle par l’absence de contrôle de la déclaration par le médecin des euthanasies qu’il pratique.
A cet égard, le procès de Tine Nys qui s’est conclu le 31 mars 2020 par l’acquittement des trois médecins ayant participé à son euthanasie est révélateur de l’ineffectivité des conditions posées par la loi.